AfricadenceNews :
Avec 27 Albums à votre actif en seulement 18 ans de carrière, vous avez
traversé en outre, des périodes artistiques très variées, pouvez-vous nous
tracer les grandes lignes de cette carrière fulgurante ?
Stan Tohon (S.T) :
J’ai commencé en 1977, année où j’ai sorti mon premier 45 tours, j’ai
réalisé mon premier album en 1978 et ensuite ont suivi une vingtaine
d’albums.
Dans les années 80 Je suis allé
chercher la musique, le Tchink-System qui est basé sur des tambours d’eau
et des calebasses, « une musique aquatique ».
J’ai reçu le prix de
FINE MUSIC en 1992 et puis nominé aux
« Découvertes » organisées par RFI la même année.
2 ans après j’ai été nominé aux KORA
AWARDS MUSIC dans la catégorie «meilleur espoir africain ».
En 1992 j’ai fait une tournée avec
Jacques HIGELIN à la Cigale à Paris.
Mr et Mme Tohon-Ghak
AfricadenceNews :
A propos de votre musique, on ne peut pas présenter Stan Tohon sans parler
du Tchink System et de ses « percussions à l’eau » que vous évoquiez tout
à l’heure , pouvez-vous nous parler de ces rythmes et instruments que vous
avez inventé ?
S.T :
Le Tchink System est un mariage entre la musique traditionnelle et
moderne. Il est composé à la base d’une musique de cérémonie funéraire,
le « Tchingounmé », devenu une musique de renaissance, même si elle est
toujours restée funéraire dans les villages.J’ai ensuite ajouté à cette
musique des instruments modernes : la guitare, la trompette, le piano, la
basse … c’est ça le Tchink System ; sans oublier bien sûr les tambours
d’eau auxquels vous faites allusion :
2 sceaux pleins d’eau où on renverse 2
calebasses pour emprisonner l’air et on joue avec des bâtons en
caoutchouc. Ensuite il y a le « Gotta », une grosse gourde en forme de
citrouille, les gongs, les flûtes, le claquement des mains et les
instruments modernes.
Le TCHINK C’est aussi une danse très
physique, qui glisse vers la transe (expression de tous les corps), non
recommandée à certaines personnes comme les femmes enceintes (rires).
AfricadenceNews :
En tant qu’artiste engagé, quel message voulez-vous transmettre à travers
vos chansons militantes ?
S.T :
J’essaye de traduire les sentiments et les
faits que vivent les populations africaines et plus précisément béninoise,
l’alcoolisme, la vie du peuple, les votes trafiqués, les souffrances. |
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Je dis souvent que je fais un travail
de «salubrité publique », je trouve qu’il y a trop de chaos, je parle
aussi de la dévaluation du francs CFA, du chômage des jeunes. Un autre
sujet également me touche beaucoup et que je dénonce, c’est le piratage.
J’ai d’ailleurs mis en place une brigade au nom de «Djakpata » (vipère),
pour détruire les emplacements des vendeurs de K7 piratées.
Au Bénin j’ai crée le Comité de Lutte
contre la Piraterie qui est devenu le Comité National. D’ailleurs, je
remercie au passage « AfricadenceNews » pour avoir abordé récemment, ce
sujet brûlan,t dans son « dossier du mois ».
AfricadenceNews :
« Marcoussis » est le premier titre de votre dernier album «NON A LA
VIOLENCE » sorti en avril 2004. La Côte D’Ivoire revient souvent dans vos
chansons, quelle est votre relation avec ce pays ?
S.T :
C’est un pays que je considère comme ma 2ème patrie, car j’ai fait une
grande partie de ma vie artistique là-bas et je me sens concerné par les
événements actuels en Côte d’Ivoire. Déjà dans un autre album intitulé «la
force tranquille » je disais qu’on est tous des ivoiriens et je dénonçais
le concept d’ « Ivoirité ». Depuis l’éclatement de la guerre, je n’y suis
plus retourné.
Pour ce qui est de la chanson
«Marcoussis », c ‘est pour dire que, s’ils ont pris des accords autour
d’une table c’est qu’ils sont capables de les respecter.
Il y a d’autres problèmes qui existent
déjà qui doivent être réglés et aujourd’hui ils s’entre-tuent avec des
armes extérieures.
AfricadenceNews :
Vous avez fait récemment un « comme back » en Afrique, pouvez-vous nous en
dire quelques mots ?
S.T :
Oui, effectivement, à l’occasion de mon 27 ème album, je suis allé faire
un concert à Cotonou et j’ai invité des artistes comme Khadija Ghack.
J’ai aussi invité tous les responsables de partis politiques.
Le titre « Marcoussis » a été n°1 au
Hit parade, au Gabon, en Côte d’Ivoire, Burkina au Sénégal.
Actuellement, j’ai réalisé 1 DVD de
clips des titres de cet album qui sortira bientôt, et je suis sur 1
compilation pour mars prochain avec MANU DIBANGO, SOWETO STRING QUARTED
(Afrique du sud), le Sénégalais DIOGAL et D’ALMEIDA MENDEZ du MOZAMBIQUE,
compilation produite par BIMLIGHT et sous le parrainage de L’UNESCO. En
parallèle est sorti en octobre dernier sur RFO un reportage sur le «TCHINK
ATTITUDE »et sera prochainement diffusé sur TV5.
Enfin j’ai crée 1 fond de soutien aux artistes béninois
en difficultés de santé qui existe déjà depuis 2 ans.
AfricadenceNews :
Justement dans cet album « NON A LA VIOLENCE », faîtes-vous allusion à la
situation en général dans le monde d’aujourd’hui, ou plutôt à celle en
Afrique ?
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S.T :
Je fais allusion à la situation dans le
monde de façon générale bien sur, je parle des peuples opprimés, je dis
que la violence ne réglera rien, qu’il faut moins de violence. Mais la
situation en Afrique m’attriste encore plus.
AfricadenceNews :
Khadija GHAK a participé à 2 titres de cet album par l’écriture et
l’interprétation, « Choufawa » et « Saisis ta chance », avec
l’accompagnement du « grand » MANU et de son célèbre saxo. Comment est
née cette collaboration ?
S.T :
Khadija GHAK et moi ne sommes pas à notre
première collaboration. Déjà en 1992, nous avions chanté ensemble dans le
titre « Oh » de l’album « ZENIDJAN ». On s’est retrouvé par la suite et on
a toujours gardé le contact.
Pour la chanson « Choufawa », nous
étions ensemble en voiture, je me suis mis à chanter en langue « Fon » du
Bénin et en français, Khadija s’est mise à chanter en arabe, on a trouvé
que cela faisait un beau mélange culturel…
Nous avons également co-écrit la
chanson « Saisis ta chance » où se mélangent aussi les langues, les
rythmes et les styles.
AfricadenceNews:
Qu’avez-vous voulu exprimer dans « Le Détroit de Gibraltar » qui est un
autre titre de votre dernier album et qui a retenu l’attention des
mélomanes, surtout africains ?
S.T :
Tout simplement que les africains croient
que l’Europe est un eldorado, alors qu’il y a le chômage et que les jeunes
y vivent dans la précarité. Je voudrais leur dire qu’au lieu de risquer
vie, en allant mourir en l’air, en mer ou dans le désert, ils feraient
mieux rester sur leur belle terre et se battre pour leur pays. Même si ces
jeunes fuient les réalités de la vie quotidienne africaine parfois
cruelles et sans issue, il vaut mieux mourir dans la misère chez soi que
d’aller mourir dans la misère ailleurs.
AfricadenceNews :
Enfin, quels sont vos projets musicaux à moyen et court terme ?
S.T :
Je suis actuellement concentré sur mon
entrée en studio.
Mais je suis également investi dans un
projet de construction d’un grand centre artistique qui sera basé à 20 km
de Cotonou sur plus de 2 hectares, où seront hébergés des artistes qui
souhaitent trouver leur inspiration dans un air de campagne.
L'équipe d'AfriCadence tient à
remercier l'artiste
pour sa disponibilité et sa gentillesse.
Interview réalisée
par
Khadija OUCHHI
pour AfriCadenceNews
http://www.africadence.com
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