Alpha, Le Guide est comblé
pour cet entretien à bâton rompu que tu lui fais
l'honneur de lui accorder. You can see Christians, Jews
and Moslems living together and pray Amen
Yeah! Let's give thanks and praise!
Est-ce toujours ta vision?
Yea man ! Bien sûr !
Alpha Blondy veut donner un grand concert le 11
septembre, à Londres ! Dans une salle emblématique qui
est Brixton Academy. Quels sentiments t'animent à la
veille de cet évènement ?
Je suis très honoré que les frères de Londres aient
pensé à moi pour cette date symbolique et dans cette
salle mythique. Et je voudrais profiter du Guide pour
dire que nous sommes des marchands d'espoir. Nous sommes
des tisserands de rêves. Nous sommes des ‘hope givers',
c'est-à-dire des donneurs d'espoir. Et anywhere we are
needed we are always ready to go. Anywhere people need
to have some positive feelings, you know, nous on est
toujours prêts à partir là-bas. C'est la mission que
nous avons la prétention d'assumer, sur terre. You know,
je ne crois pas au hasard. Je pense que chacun de nous a
un rôle vital à jouer sur terre. Il n'y a pas de petits
rôles. Il y a des rôles complémentaires. Tu comprends ?
Je suis très flatté de pouvoir jouer dans cette fameuse
salle, le Brixton Academy. I heard so much about it and
for me it's a great great opportunity to glorify that
venue.
Alpha Blondy après 20 ans n'a presque pas pris de rides.
Quel secret voudrait-il livrer aux lecteurs du Guide ?
Je vais te dire deux choses. Premier secret : je crois
que seul Dieu détient le secret. Deuxième secret : la
joie de vivre. J'aime beaucoup rire. J'aime raconter des
blagues et puis l'amour nous maintient jeune. Un homme
qui est toujours en colère a tendance à avoir des rides,
you know, mais ce n'est pas le cas de quelqu'un qui
sourit beaucoup. Je te promets, c'est le secret. Tous
les hommes de science te diront cela. Je pense que c'est
l'amour (amour des femmes, amour de la musique et amour
des fans) qui me maintient jeune.
Parlant de la musique, Merci, ton dernier album date de
près de deux ans aujourd'hui puisqu'il était sorti en
2002. En exclusivité pour tes millier de fans londoniens
qui ont commencé à compter les jours depuis l'annonce de
ton premier grand concert, à quand le prochain ?
Le prochain Alpha Blondy arrive. On travaille dessus.
Peut-être que nous ferons un double album. Et il y a des
chansons que moi j'adore. J'essaie d'être constant tout
en innovant. Parce qu'il faut que ma musique soit
évolutive. Faut pas qu'elle soit stagnante. Et je peux
promettre à mes fans qu'ils ne seront pas déçus. Pour
mes frères camerounais, il y a une chanson qui s'appelle
Cameroun qui est sur l'album qui dit ‘Cameroon, I left
my heart in Douala', parce que j'ai été très amoureux de
Douala ! Le public m'a ému aux larmes. L'accueil avec
mon frère Tom Yom a été chaleureux. Je voudrais vraiment
lui dire merci, ainsi qu'à son épouse et son équipe.
Parce que aujourd'hui les artistes africains connus, je
ne parle pas des occidentaux, évitent le continent
africains parce qu'il n'y a pas de producteurs sérieux.
Mais Tom Yom et son équipe, j'avoue, étant moi-même du
métier, m'ont prouvé qu'on pouvait vraiment faire des
concerts. Il y a certes eu des ratés, ce qui est normal,
mais le concert a eu lieu. Même si on peut beaucoup
mieux faire, j'aimerais qu'on encourage les promoteurs
comme Tom Yom et son équipe. S'ils ont un peu d'aide,
que ce soit de l'Etat ou des sponsors, ils peuvent faire
de très grandes choses.
Je suppose que le message doit passer 5/5, et ceux qui
ont les oreilles pour comprendre comprendront…
Ecoute quand je parle de l'Etat, je parle du ministère
de la Culture évidemment !
Bien sûr ! Dans un autre registre, Alpha Blondy c'est
une référence dans la musique africaine et même dans la
musique tout court, ne serait-ce que par sa constance.
Quel regard pose-t-il sur cette nouvelle vague de
musiciens africains et je dirais même ivoiriens avec la
tendance Couper Décaler qui fait fureur en ce moment ?
Il y a cette nouvelle mouvance que j'adore. En plus ce
sont mes petits frères, et certains sont mes enfants. Je
trouve le zouglou une musique pleine d'humour. J'adore
les zougloumen parce qu'ils peuvent dire des trucs très
importants avec beaucoup d'humour.
Est-ce que tu te retrouves un peu dans cette façon de
faire ?
Bien sûr. Mais je suis très séduit par le zouglou et la
nouvelle mouvance avec la ‘prudencia', le ‘couper
décaler'…
Mais il paraît que tu « travailles » aussi ?
(Rires) Non! Moi je suis un travailleur immigré. Le «
travaillement » c'est l'affaire de mon petit frère Doug
Saga qui vient souvent dans mon restaurant à Abidjan.
(rires) C'est Doug Saga qui a ce rôle avec son G7 ou son
G8… je ne sais plus.
|
|
C'est un
mouvement qui me plaît beaucoup, you know, parce que ça change un peu de la
monotonie dans laquelle la musique ivoirienne avait
plongé. Il y a Bloko, ex-Salopard qui vient de faire une
reprise de Ami ho de Bébé Manga, avec le ‘couper
décaler' et le ‘travaillement', etc.
Moi ça me
plaît. Il y a donc ceux-là. J'aime beaucoup Meiway, côté reggae,
j'adore Ahmed Farras, Net Soul, O'Neil Mala, j'adore
Ismaël Isaac bien sûr, Fadal Dey qui sont tous pour moi
de grosses pointures. Malheureusement ils n'ont pas
encore eu la chance de percer.
Quels conseils peux-tu donner à l'endroit des gens qui
pensent, à tort ou à raison, que dit musique dit
forcément compétition ?
Moi je pense qu'ils n'ont rien compris. Ceux qui font de
la compétition, de la concurrence avec la musique n'ont
pas compris que la musique c'est le métier le plus
précaire. Tu peux faire un, deux ou trois disques qui
marchent, mais cela ne veut pas forcément dire que tu
vas faire une longue carrière. Ça peut être le marché
qui change, la maison de disque qui ne veut plus de toi
parce qu'elle a trouvé mieux, le public qui a mûri et
veut autre chose, et beaucoup d'autres facteurs you know
! Un phénomène de boycott et l'inspiration peut ne plus
être la même. Donc il faut forcément une solidarité
entre musiciens. Quand quelqu'un a un qui a trouvé un
truc qui peut continuer à servir de carburant à toute la
machine, il faut qu'il y ait cette solidarité-là. Mais
il y en a qui n'ont pas compris ça. A peine arrivés,
leur carrière est déjà en train de s'essouffler –je ne
dis pas de nom- parce que dans le milieu les gens
parlent. Tu vois, il faut avoir un peu d'humilité. Il y
a de grands artistes européens qu'on connaissait. On
n'en parle même plus ! Même sur le plan américain, les
MC Hammer et autres, on n'en parle plus. Je crois que
ces gens-là devraient quand même apprendre une leçon
d'humilité. Quand on vient sur le terrain, on ne s'en
prend pas aux aînés parce que c'est eux qui connaissent
la route et il ne faut pas que ces gens-là essaient de
réinventer le soleil. Donc ils se sont plantés. Ceux qui
devaient les aider à faire leur promotion dans les média
comme toi les évitent et ne les conseillent pas comme
référence parce que en vérité, ils n'en sont pas.
Nous allons rentrer dans une chapelle un peu plus
sérieuse. Alpha Blondy est un artiste multidimensionnel.
Il avait tenu des propos quelque peu prémonitoires il y
a une dizaine d'années en parlant, s'agissant de la Côte
d'Ivoire, de la Charte du Grand Nord. Ça ne fait pas
plaisir de le dire, mais force nous est de constater que
aujourd'hui, il y a une sécession de fait en Côte
d'Ivoire. Quelle analyse fais-tu de cette situation ?
Tu sais, je dois te dire un truc. Je pense qu'il y a des
gens qui écoutent beaucoup Alpha Blondy. A un moment où
en Côte d'Ivoire on le traitait de fou et de drogué, eux
ils l'écoutaient sérieusement. Alpha Blondy s'était
fâché une fois et avait fait des tracts parlant de la
sécession et en mettant en garde les politiciens que ce
tribalisme régional contre les gens du Nord allait poser
un sérieux problème, la sécession en l'occurrence, si on
ne corrigeait pas immédiatement ce genre d'attitude. On
m'avait alors traité de tous les noms. Les gens qui
écoutent se sont inspirés cette idée pour élaborer une
Charte du Nord. Mais tout le monde dit que c'est moi qui
l'ai faite, mais des fois quand ça me fait chier, je dis
oui j'ai fait la Charte.
Donc tu réfutes ici catégoriquement la paternité de la
Charte du Grand Nord ?
OUI ! D'ailleurs je ne l'ai jamais lue, depuis je suis
en train de chercher une copie mais en vain. Mais je
suis sûr et certain que celui qui a fait la Charte s'est
vachement inspiré de mon tract et de ma colère.
C'est peut-être pour cela qu'on t'en attribue la
paternité. Once and for all, tu ne te reconnais du tout
pas dans cette Charte ?
Pas du tout. Je me suis contenté de faire une mise en
garde. Moi ma politique c'est vaut mieux prévenir que
guérir.
As simple as that ?
As simple as that man ! Après on dit que Alpha Blondy
avait parlé de guerre civile et tout ça. Attends ! quand
tu connais un pays et ses habitants, tu sais ce qui peut
être accepté et ce qui ne pourra jamais l'être par un
groupe. Tu comprends ? Ceux qui ont créé ‘l'ivoirité'
disent que c'est un concept culturel. Soit ! Mais quand
un concept culturel a été appliqué sur l'échelle
politique, utilisé comme une sorte de division ethnique,
ça ne peut qu' aboutir à la guerre. Déjà, Ice T-Cool,
les occidentaux, comme on dit chez nous sans chercher à
tenir un discours raciste, considèrent l'Afrique comme
la « sous race » quoi ! Alors, dans un pays africain,
avec 67 ethnies, les autres décident de traiter une des
ethnies comme un sous-ensemble de la sous race. Donc ça
ne pouvait pas ne pas déboucher sur la guerre. C'est un
constat. Ce n'est pas de la prophétie. Ni du
charlatanisme. Ecoute ! Qu'on veuille combattre un
concurrent politique de façon honnête, il n'y a pas de mal à cela.
|
|
Mais qu'on
utilise l'arme ethnique… Ce ne sont quand même pas les gens du Nord
qui sont la cause de l'erreur administrative en matière
d'immigration en Côte d'Ivoire. Pourquoi veut-on que les gens du
Nord paient pour les erreurs commises par l'administration
ivoirienne en matière d'immigration ?
Comment faire donc pour sortir de cette ornière ?
Tout le monde a signé Marcoussis, on applique Marcoussis
et puis la guerre est finie ! Le monde moderne a ses lois. Ça
s'appelle la démocratie. Ça s'appelle les élections libres et
transparentes. Le médicament est tellement simple. Je ne comprends
pas pourquoi jusqu'aujourd'hui, il y a ce blocage. Et des fois je
suis amené à me poser des questions.
Est-ce qu'ils ont vraiment dit la vérité aux Ivoiriens ? J'ai comme
l'impression qu'il y a d'autres raisons qu'ils n'ont pas données.
Parce que faire la paix est tellement simple ! Nous les incultes
apolitiques, on ne comprend pas ce blocage. Tout le monde va aux
élections, Gbagbo garde sa
place jusqu'aux élections, Alassane et Bédié vont aux
élections, si Soro Guillaume et Blé Goudé veulent
devenir président, ils vont aux élections !
Tu comprends
un peu ? Mais de grâce que les uns et les autres arrêtent de prendre
les Ivoiriens en otage ! Tu sais Ice
T-Cool, il y a une phrase qui est très jolie que j'aime
: celui qui te dit qu'il a compris le problème ivoirien,
c'est qu'on lui a mal expliqué. (Grands éclats de rire).
Comment ça !?!
Parce que si on t'explique bien, tu ne comprends pas.
You know ! Celui qui dit qu'il a compris c'est qu'on lui
a mal expliqué ! (rires)
Tu as dit dans une de tes chansons que ‘ces abrutis
n'ont rien compris'. Crois-tu qu'ils vont comprendre
maintenant ?
J'espère en tout cas qu'ils vont comprendre. Parce que
le peuple ivoirien, en tout cas nous, on ne comprend
plus ! Parce que celui qui comprend on lui a mal
expliqué. (Rires). Même aujourd'hui, Alassane ne
comprend pas, Gbabgo notre président ne comprend pas le
problème, Bédié qu'on a renversé, lui-même qui a inventé
l'ivoirité ne comprend plus, donc nous sommes là, on se
regarde. Lundi on dit il y a la paix, mardi on dit que
bientôt ce sera la guerre, mercredi il y a la guerre.
Donc on ne comprend plus. Sans oublier que cette fissure
créée par les politiciens a profité aux marchands
d'armes qui sont entrés tranquillement. Je crois savoir
que c'est par là que ça se mélange, où on ne comprend
plus rien. Gbabgo jure qu'il veut la paix. Alassane jure
qu'il veut la paix. Bédié jure qu'il veut la paix. Soro
Guillaume jure qu'il veut la paix. Blé Goudé jure qu'il
veut la paix. Mais les marchands d'armes leur pose une
question : et le stock, à qui le vendra-t-on ? La fin de
la guerre ne les arrange pas. Il faut une guerre bien
sanglante qui dure au moins dix ans pour que leur
business soit rentable, comme en Angola, comme au
Libéria et j'en passe. Au Rwanda, ils ont fait ça
‘compact' ! 1 million de morts en un mois. You can't do
better than that! You can't beat that man ! You know. Et
aujourd'hui, beaucoup d'Ivoiriens commencent à se poser
la question : Est-ce que les acteurs de la guerre
contrôlent encore la situation ? Je pense que les
marchands d'armes ont pris le contrôle de la situation.
Voilà pourquoi chaque fois qu'on veut arriver à la
sortie, il y a toujours un coup de théâtre.
Donc tu maintiens que ces politiciens sont toujours
‘stagiaires' !
Je suis formel là-dessus. En tout cas, ils se comportent
tous comme des stagiaires !
Prophétise un peu ! Parles-nous de la Côte d'Ivoire de
demain.
Moi je dis actuellement le seul médicament ce sont les
élections. Elles n'auront peut-être pas lieu en 2005,
peut-être en 2006. Mais le seul médicament qui peut
départager les gens d'aujourd'hui ce sont les élections.
Comment juges-tu la présence des Casques Bleus sur le
terrain ?
Ils sont arrivés avec les forces Licornes. Au début, ils
étaient comme nous. Ils croyaient qu'ils comprenaient.
Ils sont arrivés sur le terrain et ne comprennent plus.
Avant le schéma simpliste c'était les rebelles contre
les Forces Armées Nationale (FANCI). Donc les gars
savaient avec qui discuter. Brusquement IB arrive et
attaque Soro : rebelle contre rebelle. Puis des éléments
de FANCI aussi qui prennent la télévision et demandent
que le général Mathias Doué, Chef d'état major, le
général Bombet et le général Touvoly démissionnent :
loyalistes contre loyalistes. Alors nous les Ivoiriens,
le peuple, comment voulez-vous qu'on comprenne ? On ne
sait plus qui a à faire à qui et pourquoi ! On leur dit
de prendre tout l'argent qu'ils veulent, mais nous
voulons la paix. Nous sommes prêts à payer. Ils n'ont
qu'à vider les caisses s'ils veulent, mais nous on veut
la paix.
LIVE at Brixton Academy
Samedi 11
Septembre
|