Zouglou,
Que sont-ils devenus ?
Aujourd’hui le zouglou n’est pas
seulement une musique dont on entend parler, c’est une musique qu’on
écoute, la plus écoutée en Côte d’Ivoire, et qui contagieusement fait
vibrer les ondes de toute l’Afrique, et commence à résonner fortement sur
les scènes internationales occidentales.
Soum Bill
Démonstration avec Didier Bilé en concert
Asalfo(M.Syst)
Plus qu’une mode passagère, comme
certains ont pu le prédire à ses débuts, le zouglou fait danser ses
adeptes depuis presque 15 ans et continue de s’imposer aux autres musiques
en Côte d’Ivoire.
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Par Samira OUCHHI
AfriCadenceNews
samira.o@africadence.com
Retour sur les premières notes musicales
Le
zouglou est une musique qui naît au tout début des années 90. Le mouvement
est enclenché par Didier Bilé et ses amis du groupe "les Parents du Campus"
qui dénoncent les conditions précaires que connaissent les étudiants à
Abidjan, dans le campus universitaire situé dans la commune de Yopougon au
nord de la capitale. Didier Bilé nous rappelle (RFI 10 septembre 2004)
qu’à l’époque 24 000 étudiants se partagent des logements prévus pour
7000. C’est une galère quotidienne pour des milliers d’étudiants, qui se
relaient pour dormir. Déjà à la fin des années 80 des « groupes
d’ambiance facile » rassemblent des étudiants désireux de déjouer leur
galère dans ces réunions.
Le mot
zouglou en tant que tel vient du mot baoulé zuglu qui signifie «tas
d’ordures », « déchets », « n’importe quoi, n’importe comment ». Il
exprime bien le spectacle de cette jeunesse rassemblée comme un « tas
d’ordures », et qui en vient à exprimer son désarroi dans la musique.
Pour
cela, elle utilise des instruments sommaires – percussions, bouteilles,
cloches – pour créer un son déroutant sur lequel elle danse de manière
désarticulée (la zouglou danse), pantomime d’un profond mal de vivre.
Ceux
qui expriment leur ras-le-bol ignorent alors que cela va donner naissance
à un véritable raz de marée musical, un succès comme il n’en était pas
arrivé depuis 20 ans.
Le premier album des Parents du Campus,
avec la désormais célèbre chanson « Gboglo Koffi » bat tous les records à
sa sortie en 1991. 90 000 cassettes sont vendues en 3 mois. On voit
alors émerger une
cinquantaine de groupes qui emplissent les rangs de la nouvelle
génération d’artistes ivoiriens. |
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Parmi
les noms connus de la musique zouglou, on peut citer, entre autres, le
groupe Système Gazeur, Esprit de Yop, Poussins chocs…
Certains optent pour une musique de plus en plus
contestataire. C’est
le cas des Salopards où les paroles des chansons ont une importance
capitale. En 1997, la chanson « Bouche B », le groupe ne mâche pas ses
mots à l’attention des maires d’Abidjan pour dénoncer l’état d’insalubrité
de la ville.
Les notes et les années passent, le zouglou reste
Le
zouglou a fini par quitter les bancs de la fac. Ce n’est plus aujourd’hui
à proprement parler une musique restreinte aux cercles estudiantins. Des
groupes comme les Potes de la rue ou Zougloumania ne réunissent pas
nécessairement des étudiants. De même, le zouglou, en faisant son
apparition dans le milieu artistique ivoirien, est amené à toucher un
public beaucoup plus large.
Cette
musique interpelle toutes les couches de la société, dans l’ensemble du
pays et progressivement au-delà des frontières.
Les
thèmes aussi se multiplient. On prend pour cible les travers de la
société, on s’inspire des faits divers, sur un ton non plus
mélodramatique, mais de manière satirique et comique et utilise le rire
comme une arme redoutable.
Le zouglou sait également
s’adapter aux temps nouveaux, où les difficultés ne sont plus tout à fait
les mêmes, où les revendications changent, notamment celles de la jeunesse
en quête de travail et de formation. Le zouglou s’insère aussi dans un
horizon musical différent, où la jeunesse trouve de nouvelles formes
d’expression et de revendications dans le Rap, le N’Domolo, le Zouk…
Avec le temps, le zouglou dispose de plus en plus de moyens.
Grâce à leur succès,
les artistes peuvent faire appel à des
instruments moins rudimentaires et avoir recours à des studios
d’enregistrement modernes. Tout cela fait du zouglou une |
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musique de plus en plus attrayante, et compétitive.
Pas étonnant alors si le
zouglou est propulsé en tête d’affiche des musiques les plus écoutées en
Afrique. Les scènes internationales s’y intéressent et sollicitent la
visite des artistes dans le monde entier, qui poursuivent pour certains
une carrière solo comme c’est le cas de Didier Bilé qui vient de sortir un
dernier album en avril 2004.
Le succès remporté par le quatuor Magic
System en France avec son titre « Premier Gaou » nous montre bien que la
transmission des ondes est passée. Elle nous vient d’Afrique
et
reste pleine de verve ironique, d’humour cinglant, sur un rythme
irrésistiblement contagieux.
Les
étudiants d’hier sont donc devenus des « pères » pour la jeunesse
d’aujourd’hui qui trouve toujours sa principale voix d’expression dans le
zouglou. D’autres courants musicaux en sont issus comme le Gnagkpa Gnagkpa,
le Lôgôbi ou le Youssoumba…
Didier Bilé
Aujourd’hui, on considère le zouglou comme le « maillon de l’identité culturelle »
ivoirienne. Certains étudiants révoltés sont devenus des stars d’une
musique qui a plus que fait ses preuves. On leur consacre des compilations
entières (exemple : Ambiance Ivoir’ Zouglou Allstars). Le zouglou a permis
de jouer le rôle de vecteur de la contestation
estudiantine
et d’exprimer sa colère sur un mode pacifique. Le zouglou possède
d’ailleurs sa propre philosophie que Didier Bilé appelle la « zougloutique »
qui signifie « vouloir fraterniser avec les êtres et les peuples grâce au
zouglou qui est à la fois son instrument et son ossature ». Avec un tel
message et parce que le zouglou est loin d’avoir dit sa dernière note,
souhaitons-lui longue vie !
Samira OUCHHI
AfriCadenceNews
samira.o@africadence.com
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